Warriors,
l'impossible mission
Avec: Ioan
Gruffuld, Matthew Macfadyen, Damian Lewis
Il peut sembler étrange
que mon premier article cinématographique concerne non pas un film
mais un téléfilm, genre en général fort peu prisé. Pourtant je
n'en ai pas fait le choix par hasard. Outre les formidables critiques
dont il fut l'objet à sa sortie, ce téléfilm fort bien fait aborde
de façon brutale des évènements historiques récents que
malheureusement l'histoire tend à effacer trop vite.
L'Europe, contrairement à
l'Amérique a du mal avec la guerre. Combien d'années a t'il fallu
pour qu'en France commencent à sortir des films sur les guerres
d'Indochine ou d'Algérie ? Même la plupart des œuvres concernant
la seconde guerre mondiale sont issues d'Outre Atlantique. La
terrible guerre civile de l'ex Yougoslavie n'échappe malheureusement
pas à cet oubli. Encore aujourd'hui, beaucoup ne se souviennent plus
de ses tristes évènements qui pourtant datent d'il y a moins de
vingt ans maintenant...
En cela Warriors fait
figure d'exception. Ce film vise au travers du trajet de quelques
jeunes anglais à montrer ce qui fut une tragédie humaine à
quelques heures à peine de nos capitales. Filmé par Peter
Kosminsky, un réalisateur de documentaire de guerre, cette fiction
se veut le témoin d'un immense gâchis humain où il n'y a ni
gentils, ni méchants, juste un triste récit de la cruauté humaine
dans ce qu'elle a de plus sinistre. Ne prenant parti pour aucun camp
(Serbes, Croates, Bosniaques, tous sont à la fois victimes et
bourreaux), Warriors nous montre simplement que ce genre de guerre
civile n'est pas une spécificité du tiers monde mais que non loin
de chez nous, des génocides peuvent encore avoir lieu et pose la
question de la non-intervention.
1992. L'ex Yougoslavie
vient d'éclater en une multitude de nations où différentes
populations vivant jusque là en paix se mettent à se faire la
guerre. Les premières rumeurs de massacre parviennent aux capitales
occidentales et, sous l'égide de l'ONU, il est décidé d'envoyer un
contingent de casques bleus là bas. Ce sera la FORPRONU. A
Manchester, une poignée de jeunes soldats et officiers sont appelés
pour servir en Bosnie pour une mission à priori simple: Acheminer
l'aide humanitaire aux populations civiles dans un pays en proie aux
luttes ethniques.
Très vite tous
déchanteront et n'en reviendront pas indemnes. Car être casque bleu
revient à ne rien faire, à se contenter d'acheminer une aide
alimentaire ou médicale sans pouvoir sauver les populations et à
n'être que le témoin impuissant des horreurs d'une guerre que
personne ne comprend. Recevant l'interdiction claire et formelle de
leur hiérarchie et des institutions de l'ONU d'intervenir, ses
dernières ayant peur d’être accuser de participer au nettoyage
ethnique en aidant au déplacement des populations, les jeunes
soldats ne peuvent qu'encaisser les scènes de guerre auxquelles ils
sont confrontés. Le film alterne d'ailleurs fort bien les scènes de
la vie de tous les jours d'une population qui ne sait de quoi demain
sera fait et scènes beaucoup plus dures. Dans ce cauchemar réel,
les protagonistes survivants se verront tous marqués à vif, comme
au fer rouge par ce qu'ils y vivront. Avec eux, nous vivons les
conséquences d'un massacre qu'ils ont été incapables d’empêcher.
Mais le film ne s'arrête
pas sur ce moment présent. La richesse de ce téléfilm est de
conter le retour de ces vétérans au pays. Un pays qui se moque bien
d'ailleurs de ce qu'ont vécu ces soldats de la paix et qui
préfèrerait les oublier. Livrés à eux-mêmes, les jeunes héros
peineront à se réinsérer dans une société qui ne veut pas savoir
ce qu'ils ont vécu dans l'enfer où elle les a pourtant envoyé.
Lâchés dans le monde sans aucun soutien psychologique, les soldats
devront apprendre à vivre avec les démons intérieurs ou sombrer de
façon tragique...
Au niveau de la
réalisation, on comprend très vite que Peter Kominsky est un
habitué des documentaires. La mise en scène est sobre, sans
fioriture et efficace. Les dialogues vont à l'essentiel, car en
définitive il n'y a rien à dire, il suffit de voir. Les scènes de
guérilla urbaine ne cherchent pas le sensationnel et même la
découverte des atrocités commises par les camps en présence revêt
un réalisme saisissant. Les acteurs jouent particulièrement bien
(mention spéciale à Ioan Gruffuld en officier idéaliste rattrapé
par la réalité) et nombre de figurants sont des bosniaques ayant
connu cette triste époque (ce qui nous donne une impression de
vérité à l'ensemble). Les presque trois heures de cette œuvre de
fiction passent très vite jusqu'au dénouement finale, scène
émouvante résumant sobrement la problématique du film.
Maintenir la paix peut
être tout aussi traumatisant que de faire la guerre. Warriors est à
voir, ne serait-ce que par simple devoir de mémoire envers ces
populations que nous avons laisser tuer et ces jeunes gens que nous
avons trop vite oubliés.
Le film est disponible en streaming français sur youtube:
Article réalisé par Olivier